BLACK SWAN (Darren Aronofsky, 2011)

j'étais à Paris ces derniers jours et bizarrement avant-première du film 2 mois avant; le mec de la Fox nous a pas vraiment expliqué pourquoi.

Le film en lui-même m'a déçu, mais il est dur d'en parler sans rentrer en territoire spoiler - ce qui ne doit surprendre personne vu la bande-annonce. Je me réjouis donc de février pour en débattre, car il le mérite je suppose. Loic, on va se battre.

Reste qu'il est clair qu'Aronofsky propose à chaque fois quelque chose, par forcément de novateur, mais avec un vrai parti pris et qu'un réal comme ça est, si ce n'est indispensable, totalement bénéfique pour le cinéma actuel.

Natalie est absolument formidable, c'est évident. Meilleure performance de sa carrière, comme toutes les critiques le disent et elle va se retrouver sur beaucoup de listes, sera dans les 5 aux Globes et Oscars, si ce n'est la récompense "suprême".
Mila Kunis est un casting parfait. La miss bouffe l'écran, c'est quelque chose. Le rôle lui colle à la peau, mais pour ceux qui ont vu FORGETTING SARAH MARSHALL, vous savez que la miss est plus qu'une bombe sexuelle.
Cassel est très bien, son accent étranger ne pose aucun problème; je dis ça car il me pose lègèrement problèment dans le Cronenberg. Mais il était tellement formidable dans NOTRE JOUR VIENDRA que là, forcément, il m'a moins marqué.
Et il y a aussi Winona, une actrice qui, si elle a bercé l'enfance de certains, n'a jamais été formidable: là, elle est variable dans ses deux premières scènes, puis superbe dans sa "grande" scène.
Enfin, voila, je dis pas grand chose sur le film, dur d'en parler sans spoiler encore une fois; rendez-vous en février.

On a eu la chance après coup d'avoir un Q&A avec Darren.
Et là franchement, comment on peut engager des traducteurs aussi mauvais??
Genre:
"parlez-nous de vos rapports/influences avec THE RED SHOES et SUSPIRIA"
= "what about THE RED SHOES?"
(ça t'énerve ça Loic, non?)

Mais sinon pour ceux que ça intéresse, je vais essayer de me rappeler de 2-3 choses:
- Mila a été casté via Skype, mais ça c'est dans plein d'interviews.
- Un autre bolet qui demande pourquoi Rachel n'a pas eu le rôle. (mal traduit, Aronofsky a pas répondu)
- "pourquoi Cassel?"
Darren: "you know he's that little unknown actor who needed a job at the time, so I took pity and gave him the part" /applause/rires dans le public. / puis Darren a répoondu sérieusement sur Cassel en disant qu'il l'avait vu dans des films francais intéressants, mais sans mentionner les titres; détail amusant, 2 rangs devant moi il y avait son réal de IRREVERSIBLE - qui n'était donc pas dans un des 3 rangs de sièges "invités"
- "Darren, tous vos films ont des monstres, sociaux, etc... pourquoi pas faire un vrai film de monstre, comme Godzilla ou Franenstein? - "I always wanted to do GODZILLA."
- " Darren, what can you tell us about THE WOLVERINE, as you talk about mutation in BLACK SWAN... (blabla); - "I always wanted to direct GODZILLA!" - ce qui doit vouloir dire qu'Aronofsky a signé pour le film et est sur contrat "non-disclosure" avec la Fox.
- le morceau de la boite de nuit: il a donné aux Chemical Brothers et autres la mission de faire leur version du Lac des Cygnes.
- "pourquoi Portman?" - "because I thought she always was a girl, then got drunk with her and saw it was not the case and wanted to show that!" - étonnant, car Portman a rarement été montrée autant comme une petite fille pleurnicharde.
- Portman a fait une année de prépa physique
- la soeur de Darren a fait / ou fait encore de la danse, donc une des sources d'inspiration
- une miss a posé une question intéressante sur la différence entre le film, le ballet et le conte, mais je vais peux pas en dire plus
- on a eu droit au chieur de service: "c'est pas vraiment une question, mais votre film, j'ai trouvé que.... et moi ça me fait penser que... et j'ai analysé que..."

J'en ai dit que la moitié je pense, mais en espérant que 2-3 infos aient été d'intérêt, même si limité.

Oh chouette, merci pour ces infos. J'espérais que les gars de Cloneweb aient filmé mais apparemment il y a un petit problème avec les accords ou je sais pas trop quoi...

Le film m'a beaucoup plu; plus les jours passent, plus mon envie de le revoit grandit. Effectivement, un peu dur d'en parler sans spoiler... vivement une discussion animée autour d'une bière

Le cinéma de Darren Aronofsky, j'aime pas.
Il y a toujours un truc qui m'attire dans ses films, mais au final soit ça m'ennuie, soit ça m'énerve. Avec The Wrestler, ça c'était un peu calmé, car même si l'histoire de ce type m'avait laissé plus ou moins indifférent, il y avait Rourke, magnifique, et un travail de réalisation qui me parlait nettement plus. Et je pense que Black Swan est la suite logique de ce qu'il a débuté sur ce film précédent.

Un portrait.
Celui de Nina Sayers, qui désire à tout prix interpréter la "Swan Queen" dans le ballet du Lac des Cygnes. Quitte à y laisser son âme. En somme, un récit tout à fait similaire aux précédents films du réalisateur. Le récit d'un personnage qui perd progressivement pied avec la réalité dans l'accomplissement d'un objectif impossible.

Mais Black Swan est un beau film.
Pas ultime, pas renversant, pas spécialement dérangeant non plus, mais offrant quelques pures instants de grâce au milieu de cette histoire où le rôle prend le dessus sur l'interprète. Une introduction sidérante de beauté, un dernier acte fiévreux, quelques séquences éparses où Natalie Portman, transfigurée, charnelle (et oscarisable sans le moindre doute possible), dévoile ses fêlures et amorce sa douloureuse métamorphose, seront les instants qui me seront resté en tête après le film. En regard d'un script finalement (presque) conventionnel, le film de Darren Aronofsky s'illustre surtout par un travail esthétique de premier ordre et par son casting homogène (mention à Barbara Hershey, mère-poule / control-freak, qui laisse percevoir toute la frustration emmagasinée au fil des années). Et, évidemment, par la musique de Tchaïkovski (ici réorchestrée par l'éternel collaborateur de Aronofsky, Clint Mansell).

Le sentiment final d'avoir assisté à un film quelque peu creux se poursuite cependant bien après la séance.
Un film trop évident, qui semble manquer de confiance dans son pouvoir de suggestion en nous imposant quelques explications superflues (on comprend très rapidement la direction que le film va prendre) et qui se révèle parfois peu digeste dans ses effets "chocs". En cela, Aronofsky n'a pas cessé de faire du Aronofsky, comme s'il voulait à tout prix faire passer un message, donner un sens à tout ce qu'il fait, au lieu de s'octroyer un peu de liberté. Ce qui, en l'état, est assez contradictoire, puisque entrant en résonance avec cette séquence où Cassel reproche à Portman d'être trop précise, trop technique et de ne pas laisser la fougue du cygne noir s'emparer d'elle. Darren aurait dû, lui aussi, se laisser emparer d'une telle fougue pour nous livrer un film qui s'annonçait étourdissant et qui réussit à l'être, le temps de quelques rares instants.

Black Swan, derrière sa réalisation caméra à l'épaule, le grain de son image et le jeu magnifique de Natalie Portman, est un ballet trop sage qui se cache derrière les apparats d'une danse cauchemardesque. Mais Aronofsky entre désormais dans la cours des grands et devrait permettre à son actrice de faire définitivement oublier sa participation à une célèbre saga intergalactique de triste mémoire tout en lui assurant l'une ou l'autre statuette pour les mois à venir.

Certains veulent nous vendre le nouveau film de Darren Aronofski comme une sorte de Show Girls dans le monde du ballet, il n'en est strictement rien. Black Swan va beaucoup plus loin qu'une bête rivalité entre danseuses, c'est un film qui traite de l'absurde quête de la perfection dans le monde artistique. Le choix de la danse classique à travers l'un de ses fleurons, Le Lac des Cygnes de Tchaïkovski, est d'une pertinence remarquable et le cinéaste en joue à merveille, en s'attardant sur des gros plans de pieds torturés par des pointes et autres mouvements répétés jusqu'à l'épuisement, si peu naturels à la physiologie humaine. C'est là aussi le malheur de son personnage principal à qui l'on voudrait ôter tout penchant naturel que son corps réclame.
Nina est une danseuse émérite qui ne vit que pour son art et, quand Thomas Leroy, le chorégraphe de sa compagnie décide de monter Le Lac des Cygnes, il va de soi qu'elle aura le rôle du Cygne blanc, mais comme il désire que ce soit la même interprète qui incarne aussi le Cygne noir, ses ennuis commencent et l'arrivée d'une nouvelle dans la troupe la déstabilise. Ce qui permet du coup à Darren Aronofski de jouer sur la dualité d'une manière peu conventionnelle, en utilisant ce nouveau personnage comme le révélateur de Nina elle-même et en alternant malicieusement le regard des autres sur son héroïnes et les points de vue subjectifs de cette dernière, dans de magnifiques mouvements de caméra, comme ceux où elle tourne sur elle même dans une scène de répétition.
L'autre force du film réside aussi dans ce que le récit prend corps à un instant de la vie de Nina où elle sort de sa condition virginal dans tous les sens du terme, découvrant trop tard et trop violemment à la fois son corps, qu'elle ne considérait que comme son outil de travail, et son esprit, enfermé malgré elle dans un monde enfantin surprotégé et entièrement dédié à son talent de danseuse prodige.
Fidèle collaborateur du cinéaste depuis toujours, le compositeur Clint Mansell joue, lui aussi, sur une fausse dualité en basant son travail sur l'œuvre de Tchaïkovski, entre respect le plus total et appropriation personnelle, et là aussi, c'est brillant à plus d'un titre.
Darren Aronofski a aussi réalisé un casting sans faute. Natalie Portman est absolument renversante dans un rôle très complexe, mais il est difficile d'en dire plus sans trop dévoiler du film. Mila Kunis prouve qu'elle vaut mieux que ses personnages habituels qui lui collent à la peau depuis That's 70's Show. Vincent Cassel en chorégraphe passablement imbu de sa personne, résonne comme une totale évidence: c'est le coq, maître suprême de sa bassecour. Et l'on retrouve avec plaisir deux grandes comédiennes trop rares sur les écrans, Winona Ryder en star sur le déclin et surtout l'immense Barbara Hershey (inoubliable Marie Madeleine de La Dernière Tentation du Christ de Martin Scorsese) dans le rôle de la mère de Nina.
Finalement, Black Swan se situe dans la droite ligne des grandes tragédies humaines de toujours, mettant en scène des héros qui essaient d'atteindre l'égal des dieux qu'ils se sont eux-mêmes inventés, sans ne jamais y parvenir.

Bothrops a écrit:Certains veulent nous vendre le nouveau film de Darren Aronofski comme une sorte de Show Girls dans le monde du ballet

Hein ?

tiens, je ne savais pas que tu avais des racine ch'timis

Bon nombre de résumés du film le présente comme tel.

J'ai lu ça aussi quelque part, ça m'a fait bien rire !

Bothrops a écrit:Bon nombre de résumés du film le présente comme tel.

Sérieux ?
Je n'ai pas lu énormément de résumés du film, mais je ne me souviens pas avoir lu quoique ce soit de semblable.
C'est affolant que des gens puissent le résumer ainsi.

Encore une fois, la "rivalité" est sugèrée dans le trailer, donc..

Ah ! A ce niveau-là.. je pensais que c'était en référence au côté sulfureux, provoc, bla bla bla..

Pour moi le film est davantage la découverte par le personnage de son côté sombre, caché, tapis au fond d'elle-même, que simplement un film traitant de la quête de la perfection.

lorenzo a écrit:Pour moi le film est davantage la découverte par le personnage de son côté sombre, caché, tapis au fond d'elle-même, que simplement un film traitant de la quête de la perfection.

Ou alors c'est une quête de perfection qui passe par la découverte de son coté obscure, en l'occurence ça part de schizo qui fini par prendre le dessus !

Disons que la quête de la perfection, c'est l'intrigue du "dessus", de la couche visible du récit, tandis que tout ce qui touche à la découverte d'un aspect sombre de la personnalité ainsi qu'au fait de se confondre avec ce rôle schizophrène tient pour sous-texte. Nina subit son côté sombre plus qu'elle ne le découvre, parce qu'elle se laisse empoisonner par le rôle à jouer. Et cela rejoint cette idée de mise en abîme du jeu d'acteur: posséder le rôle, ou laisser le rôle posséder l'acteur.

Colqhoun a écrit:Disons que la quête de la perfection, c'est l'intrigue du "dessus", de la couche visible du récit, tandis que tout ce qui touche à la découverte d'un aspect sombre de la personnalité ainsi qu'au fait de se confondre avec ce rôle schizophrène tient pour sous-texte. Nina subit son côté sombre plus qu'elle ne le découvre, parce qu'elle se laisse empoisonner par le rôle à jouer. Et cela rejoint cette idée de mise en abîme du jeu d'acteur: posséder le rôle, ou laisser le rôle posséder l'acteur.

Oui, aussi !
Pertinente réflexion même !

lorenzo a écrit:Pour moi le film est davantage la découverte par le personnage de son côté sombre, caché, tapis au fond d'elle-même, que simplement un film traitant de la quête de la perfection.

Je ne pense pas qu'elle possède ce côté obscur en elle, il apparaît précisément avec ce nouveau double rôle. Ce qui favorise sa révolte contre le monde aseptisé que l'on aurait aimé qu'elle ne quitte jamais. Elle est un peu comme une recluse de toujours qui découvre la réalité d'un seul coup.

Oliver Knox a écrit:

Colqhoun a écrit:Disons que la quête de la perfection, c'est l'intrigue du "dessus", de la couche visible du récit, tandis que tout ce qui touche à la découverte d'un aspect sombre de la personnalité ainsi qu'au fait de se confondre avec ce rôle schizophrène tient pour sous-texte. Nina subit son côté sombre plus qu'elle ne le découvre, parce qu'elle se laisse empoisonner par le rôle à jouer. Et cela rejoint cette idée de mise en abîme du jeu d'acteur: posséder le rôle, ou laisser le rôle posséder l'acteur.

Oui, aussi !
Pertinente réflexion même !

Oui très bien dit. Je rajouterais qu'il y a bien sûr son travail à travers le rôle, mais il y aussi la réalité "vraie" qu'on lui cachait qui lui explose violemment au visage.